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Littérairemythique

Je ne suis pas un mystère, juste une âme qui se terre sous les vers pour ne pas se taire face aux destructions vécues sur cette terre.


Péripéties...

Publié par M.I sur 8 Mars 2016, 12:08pm

Péripéties...

Un froid polaire figeait la terre et glaçait les hommes tout autant que les bêtes en ce début de janvier. Au loin résonnait le glas, appelant les habitants à rendre un dernier hommage à l’un des leurs.C’était la troisième fois en quelques semaines dans le même quartier de ce petit village du sud mosellan, une véritable hécatombe. Le lent cortège se mit en route pour rejoindre l’église dans le haut du bourg. Comme tous les membres de la famille, les voisins, les amis, le jeune Julien suivait le corbillard, la tête vide, le regard triste, ne cessant de remâcher une seule et même question : Pourquoi ? Une question qui reviendra souvent dans sa vie !
Même s’il connaissait peu cet homme disparu prématurément à l’âge de cinquante-sept ans, il n’en demeurait pas moins qu’il s’agissait là de son géniteur. De ce père, il ne conservera que très peu de souvenirs, particulièrement ceux qui l’ont marqué de manière indélébile. L’alcoolisme faisait alors bien des ravages dans les familles. Du haut de ses onze ans, il savait, intuitivement, que la vie déjà pas facile qui était la leur jusqu’à présent, serait encore plus difficile. L’avenir lui donnera amplement raison. Mais pour l’heure, rien d’autre ne comptait plus à ses yeux que
de suivre sans faillir le convoi mortuaire. Il se devait de montrer aux autres qu’il n’était plus un petit garçon et que sa famille, sa mère surtout, pouvaient compter sur lui désormais.
Le vieux curé de la paroisse, intégriste à n’en plus pouvoir, accueillit le cercueil aussi glacialement que le vent du nord balayant le parvis de l’église. Le père de Julien avait eu l’immense tord d’être divorcé et remarié, tout comme sa mère ! Et ça, l’Église le considérait
encore et toujours comme un ‟crime”. Aussi, la bénédiction du corps fut-elle réduite à sa plus simple expression, tout comme la messe d’enterrement, simple messe basse expédiée en quelques dizaines de minutes. L’homme de Dieu ne s’était pas privé, durant son sermon, de fustiger comme il se devait ces mécréants faisant si peu de cas des ‟Saintes Recommandations”.
Julien était enfant de chœur depuis plusieurs années. Pourtant, s’il était encore bien jeune pour tout comprendre, il n’en ressentit pas moins au plus profond de son être l’injustice et l’affront fait par ce corbeau noir à son père, à sa mère, à sa famille toute entière. Comment cette religion prônant chaque dimanche la sacro-sainte formule ‟Aimez-vous les uns les autres” pouvait-elle être aussi contraire dans ses agissements à l’égard d’un homme qui, sans être un
saint, n’en avait pas moins élevé honnêtement et aussi sainement que possible toute sa progéniture. La ″carrière″ d’enfant de chœur cessa nette à l’issue de l’enterrement. Le premier acte de rébellion de Julien fut ensuite de se rendre, dès le lendemain matin à la sacristie
à l’issue de la dernière messe du dimanche à laquelle il venait de participer. Avec un regard lourd de reproche et les poings serrés, il jeta à cet homme qu’il haïssait désormais, le prix de sa forfaiture : une pièce de cinq francs. Il refusera par la suite, obstinément, de suivre le cours hebdomadaire de catéchisme pourtant obligatoire dans les écoles primaires, malgré les menaces et les punitions que, bien entendu, il ne fera jamais. Les mois suivants la disparition de son géniteur seront des plus pénibles ainsi que Julien l’avait pressenti. Lorsqu’il vivait encore, le
père rapportait chaque soir du travail à domicile de l’usine où il travaillait. A sa disparition, l’usine a cessé de fournir ce travail particulier, ajoutant plus crûment encore aux difficultés familiales. Il fallut également plusieurs mois pour régulariser la situation administrative et, ainsi que Julien l’apprendra bien plus tard, sans la solidarité active de quelques voisins, ils auraient tout simplement manqué de l’essentiel. Inutile de s’étendre sur ce que furent les relations de Julien avec ses frères et sa sœur, elles n’en valent pas particulièrement la peine. Que le lecteur sache simplement qu’elles sont passées de médiocres à mauvaises puis franchement exécrables au point que trente années après le décès de sa mère, elles le demeurent d’une certaine manière puisque il n’a jamais repris de réels contacts avec eux. Quant à sa mère, elle s’était trouvée bien souvent dépassée par les événements de la vie. Mariée très jeune à un militaire psychorigide,
elle s’en séparera au beau milieu de la seconde guerre mondiale alors qu’elle se trouvait enceinte de l’aîné de ses enfants. Elle rencontrera le père de Julien à la fin de la guerre et vivra vingt trois années, souvent difficiles, avec lui jusqu’à son décès brutal ce matin de janvier 1969. Elle décédera onze ans plus tard, emportée par un cancer généralisé, peu après son soixantième anniversaire. Les relations entre Julien et sa mère ont toujours été particulières. Mis à part ses lamentables résultats scolaires, ce qui n’était pas, à cette époque là, un bien gros souci, il jouissait d’une grande liberté à la condition de ne pas faire de bêtises. Et de ses frères et sœur, il fut bien le seul à ne lui avoir jamais véritablement posé de problèmes sérieux. Tout au contraire. Il fit toujours en sorte de ne pas être une charge pour elle, plus particulièrement depuis le décès de son père.En plus de ses propres enfants, six, dont un décédé en bas âge, sa
mère accueillait des enfants placés par l’Assistance Publique depuis de nombreuses années pour des périodes plus ou moins longues, si bien qu’ils n’ont jamais été moins de cinq enfants au même moment sous le toit familial. Julien prenait plus particulièrement soin de l’un
d’eux, Gilles, le dernier enfant placé, ce, pour deux raisons essentielles, la première fut qu’il était sous le toit familial depuis l’âge de 6 mois et que Julien le considérait plus que tout autre comme son propre frère, la seconde, qu’il avait un caractère en or qui faisait que l’on ne pouvait guère résister à son charme naturel. Julien approchait de ses douze ans lorsque les vacances d’été arrivèrent, prémices d’un grand chambardement dans son existence. Il lui appartient à présent de vous révéler ce qu’il lui arriva alors…

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