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Littérairemythique

Je ne suis pas un mystère, juste une âme qui se terre sous les vers pour ne pas se taire face aux destructions vécues sur cette terre.


Mutismes...

Publié par M.I sur 12 Février 2015, 15:10pm

Catégories : #Confidences

Mutismes...

Mon cher Oncle,
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas pris le temps de vous écrire,il est vrai, et je m’en excuse.
J’espère ne pas vous avoir contrarié, et que ma lettre vous trouvera tout aussi bien portant qu’à mon départ.
Ici, il fait froid, l’encre se fait capricieuse, et mes doigts endoloris manient mieux la réticence que la plume.
Dernièrement, un phénomène tout à fait particulier m’a troublé au plus haut point.
Mais j’hésite à vous en parler, de peur que vous déceliez en moi une pathologie quelconque. Vous trouvez, en effet, assez souvent nombres de similitudes entre vos patients et moi. Et même si celles-ci sont parfois burlesques, j’avoue avoir douté de ma santé mentale à plusieurs reprises par votre faute !
Qu’importe, si je suis malade, il vous faudra me soigner, tel un parricide sacerdoce ! Je me lance.
Il y’a de cela quelques jours, je lisais comme à mon habitude, près de la fenêtre de ma chambre, il faisait clair et la douceur de cette matinée me donnait un entrain particulier. Les pages défilaient, je plongeais dans ma lecture à un rythme effréné, j’avalais les mots comme on enfile des perles, ma lecture me comblait.
Étrangement, je me sentais envahi d’un grand vide salvateur, paradoxe du phénomène, me vider me remplit. Bref, l’apaisement du moment, je lâchais un soupir en regardant par la fenêtre, et j’aperçus ma charmante voisine, apprêtée comme un dimanche, manteau mort et voilette devant les yeux, lascivement postée devant sa porte.
Jolie pantomime, certainement nue sous son manteau, du peu que je voyais de ses jambes. A cet instant précis, perturbé dans ma lecture, je n’eus pas le réflexe de tourner la tête comme la bienséance m’y aurait obligé. Je la saluais d’un signe de tête, elle détourna le regard. Je baissais la tête, honteux de ma conduite, et repris ma lecture.

Les premiers mots que je lus me parurent ternes, comme si la magie s’était arrêtée. Plus je lisais , plus les mots devenaient lourds, sans saveur.
Puis c’est environ une heure plus tard que le phénomène débuta. Certaines lettres disparaissaient. J’ai tout d’abord cru que c’était ma vision, ou l’émotion de l’apparition de la bimbo aux formes cucurbitacées. Mais non, les mots étaient victimes d’un odieux larcin. Des lettres étaient volées, ou s’envolaient. Quoi qu’il en soit, elles n’étaient plus à leur place.
Je ne comprenais plus rien. Je me doute, cher oncle, que vous pensez que je suis pris de folie, ou, que les yeux éblouis, diamantés de concupiscence, j’ai perdu la tête ! Mais non ! Je vous assure que tout ceci est bien réel, et dure depuis quelques temps, sans que j’en trouve une quelconque explication.
Dans un premier temps, j’ai pensé que les lettres s’inversaient, car les mots devenaient incompréhensibles, et mon cerveau surpris cherchait à comprendre.
Mais je dois parfois admettre que, certaines choses, comme les femmes notamment, demeurent inexpliquées.
Cela fait donc quelques semaines que j’analyse la situation. Et j’en conclus que les lettres ne s’inversent pas, ne changent pas de place, mais oui, elles disparaissent bel et bien ! Parfois, cela transforme certains mots, et les lectures deviennent de plus en plus ténébreuses. Parfois, cela est plaisant, voire distrayant. Mais le plus souvent, c’est une rude épreuve que de déchiffrer les lettres, deviner les mots, construire l’essai que je tente de comprendre.
Hier, j’étais installé en mon fétiche endroit, ma voisine, une fois de plus, s’installa devant sa porte. Au fil des jours, j’avoue avoir moins honte à la regarder, car il semble que celle-ci se poste là parfaitement exprès pour être à portée de ma vue. Il est évident qu’elle réclame mes yeux comme un nouveau né réclame le sein ! Il n’y a plus d’équivoque. J’ai aujourd’hui la certitude que cette femme est une intrigante. Elle use de nouveaux stratagèmes à chaque nouvelle apparition, jusqu’à utiliser divers objets plus ambiguës les uns que les autres dans ses mises en scène. Je suis son unique public.
Elle est mon théâtre.

Pas plus tard qu’hier, elle jouait avec un bilboquet, de ses petites mains agiles, en souriant comme une enfant de 10 ans !
Mais la plus frappante apparition fût celle de ce dimanche matin. Une symphonie joue en moi depuis ce jour, sans trêve. Ce jour ou elle s’est introduite chez moi. En moi serait plus précis, car je suis envahi par cette chose. Cette cruelle chose qui colporte autour d’elle les méfaits les plus vils. Cette succube qui m’enivre ! Elle m’a comme hypnotisé, paralysé, je me souviens de tout comme si j’étais à côté de mon corps. Mon cœur battait, les yeux mi-clos, après qu’elle se soit mélangée à moi. Une armée de violoncelles angéliques tonnèrent dans mes oreilles avec perte et fracas au moment de jouir…
Elle est de ces personnages hauts en couleurs à qui la volupté inspire un univers sonore pleins de vie et d’envies. On lit sur ses lèvres. L’orgasme personnifié. Le mal et le bien réuni en un vice. Et je suis épris et possédé, j’aime et je haï avec la même force cette attirance qui me rend faible. Et si fort quand elle m’enlace…
Les mots n’ont jamais retrouvé leur apparence primaire. Chaque fois que j’effleure une page, des lettres tombent, comme les pétales d’une fleur qui se meurt.
Un de mes livres est devenu un cahier de brouillon, il n’y figure plus ni titre, ni sommaire, ni même une table des chapitres.
Je n’ai plus le cœur à lire. Mon cœur est une ratatouille. Il n’est plus que le fantôme de ce que j’ai été.
Je vous envoie mon livre préféré. Il ne me sert plus désormais. Vous le lirez bien vite, et sans difficulté. Il ne reste que le titre. « Mutismes »
Dans l’attente de vous lire, si les lettres entrent encore ici.
Bien affectueusement,

M.I

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